HIER, AUJOURD’HUI, AILLEURS: UN CREUSET POUR LA PSYCHIATRIE DE DEMAIN

Désenchantement, pénurie de lits, démobilisation des équipes, sentiment d’abandon, demande de soins pléthorique, épuisement des paradigmes, stagnation de la recherche pharmacologique : autant de nuages qui s’amoncellent et assombrissent le ciel de la psychiatrie contemporaine. S’ajoute à cela la fragilité du dialogue qu’on annonçait prometteur entre biologie et psychiatrie de terrain, entre patients et soignants, et entre société et institutions. Portée par une rhétorique médiatique volontiers catastrophiste, la psychiatrie est aujourd’hui fréquemment décrite comme une discipline vacillante. Réduite à la gestion d’une détresse qu’elle ne parviendrait plus à résoudre, elle serait vouée à amortir le désordre social davantage qu’à apporter des réponses innovantes aux enjeux contemporains.

Pessimisme, défaitisme et résignation semblent s’imposer. Pourtant, l’expérience quotidienne du soin nous enseigne qu’ils sont énergivores, sans réelle fécondité. Sans céder pour autant à un optimisme aveugle, il reste possible - et même nécessaire - de penser autrement. Résister au catastrophisme, favoriser les rencontres, produire et transmettre du savoir : autant de manières d’affirmer la richesse, la complexité et la vitalité de l’objet psychique qui nous anime. Penser depuis le passé, accueillir les initiatives d’aujourd’hui, s’ouvrir aux expériences d’ailleurs : telle pourrait être l’une des manières de témoigner, à la fois en acte et en pensée, de la vitalité d’une psychiatrie bousculée, autant qu’elle bouscule.

Depuis sa courte histoire institutionnelle - et, en vérité, depuis que l’humanité s’efforce de soigner les maladies de l’âme - la psychiatrie s’est heurtée à d’innombrables vicissitudes : entre invisibilisation de sa mission et stigmatisation de ceux qu’elle prend en charge. La psychiatrie entretient avec la société des liens structurellement ambivalents. Si le groupe social a toujours peiné à reconnaître la réalité du fait mental pathologique, il a pourtant ressenti le besoin vital d’instituer des lieux pour accueillir, penser et contenir la folie. Dès lors, la psychiatrie, prise dans cette contradictoire tension, peut-elle échapper à la crise ? N’est-elle pas condamnée - ou plutôt appelée - à se réinventer sans cesse, à négocier sa légitimité, à questionner ses fondements, parce qu’elle se tient précisément à l’intersection du normal et du pathologique, du pensable et de l’impensable de la condition humaine, du collectif et de l’intime ?

En dépit de tout, indocile aux représentations sociétales qu’elle a suscitées, la maladie mentale impose néanmoins sa réalité. La souffrance et le désarroi qu’elle génère s’accompagnent aussi d’actions, de création et d’intelligence collective. De nombreux projets émergent, mobilisant patients, familles, cliniciens, chercheurs, citoyens, industriels du médicament en quête de solutions. Leur mise en œuvre s’impose, malgré la sidération que provoque le trouble mental et l’ampleur de la tâche à accomplir.

C’est cette dynamique que notre congrès souhaite accueillir et mettre en lumière. Des personnalités viendront éclairer et alimenter notre réflexion à partir des leçons d’hier, mais aussi des initiatives contemporaines d’ici et d’ailleurs. Les échanges entre l’auditoire et les intervenants permettront de faire de ce moment un creuset : un lieu de fusion, de débat, de confrontation, mais aussi de création. En conviant perspective historique, initiatives contemporaines et expériences venues d’ailleurs, ce congrès propose une psychiatrie pour demain - une psychiatrie tranquille et fière qui ne renonce pas à sa rigueur, ni à sa vocation profondément humaine.

Bon congrès à toutes et à tous.

Pr. Charles-Siegfried PERETTI

Président de l’ARSPG – Chef du Département de Psychiatrie et de Psychologie

Médicale à l’hôpital Saint-Antoine (AP/HP)

L’éditorial et le programme sont consultables sur notre site web : www.arspg.org Je vous souhaite un excellent congrès à toutes et à tous.

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